Dakar, Baie de Hann, Senegal 1989

Et je me souviens de ce jour...
… un type passait, il marchait  au bord de l'eau, de l'autre côté de cet étrange boudin qui marque la séparation entre le sable sec et le sable mouillé. Ce boudin était fait d'un amas d'algues, de branchages blanchis par le soleil, de plumes d'oiseaux et divers autres éléments pas vraiment identifiables.

C'était un peu comme les boudins gonflables qu'on utilise pour arrêter les pollutions sur la mer… La mer était toujours assez calme dans la baie de Hann, calmée par le vent venant de terre. Ce vent qui charriait la terre rouge d’Afrique et qui colorait tout. Le bateau était devenu rouge… Cette terre emportée par le vent, s’accrochait à tout Sur la face avant des haubans, ces câbles qui soutiennent le mat, il y avait une sorte de croûte rouge… Cela formait comme une dentelle sculptée par le vent…
Ce vent calmait la mer, et les petites vaguelettes qui se cassaient gentiment sur la plage n’arrivaient pas à passer ce boudin odorant. Il était devenu comme une sorte de petite digue naturelle haute d’une quarantaine de centimètres.

Des chiens le parcouraient à la recherche de quelque chose à se mettre sous la dent. Ils étaient assez souvent en bande. Ils ne ressemblaient pas aux bandes de chiens des dessins animés de Walt Disney ! Oh, non, il n ‘y avait pas le petit roquet suivant le grand dalmatien. Il n’y avait pas cette variété, non, ils se ressemblaient tous. Une sorte de petit chien maigrelet aux poils courts, et taché de blanc et de marron « café au lait ». Petites oreilles pointues rabattues et museau pointu, ils n ‘étaient pas méchants, mais, la bande leur donnait une sorte d’assurance, et ils ne déviaient pas de leur chemin lorsqu’ils croisaient quelques passants.

Ce jour-là, je bavardais avec un ami du coin, et notre conversation a été stoppée par des cris. Un type, qui visiblement avait peur d’une de ses bandes de chiens, était en train de les insulter de tous les mots qu’il connaissait ! Il tenait un bâton à la main, et était immobilisé. Il n’osait pas se retourner et continuer son chemin.
Un des chiens avait dû être dérangé par son passage et avait sans doute grogné ou aboyé…
Maintenant, c’est toute la bande qui aboyait contre cet homme !
Il était pris au piège de sa peur… Il avait déclenché ça, et ne savait pas comment s’en sortir. S’il avait continué son chemin, les chiens n’auraient qu’aboyé encore un moment, mais sans plus.
Mais dominé par sa peur, il pris une pierre, et la jeta sur la bande. Un chien jappa, et fit un bond en arrière en tournant sur lui-même comme une toupie… Touché !
Le chien voulu se ruer sur l’attaquant toutes dents dehors. Mais celui-ci ramassa d’autres pierres et se mit à avancer vers les chiens, menaçant de jeter ses pierres par des gestes bien éloquents ! Les chiens redoublaient d’aboiement et de grognement ! On entendait presque les mâchoires claquer rageusement.
Soudain l’homme se mit à jeter ses pierres !
Le message fut « bien » reçu par la bande de chiens qui se rua à l’attaque !

Mordu aux fesses, aux jambes, il s’enfuit en hurlant ! Les chiens ne le poursuivirent que quelques mètres et retournèrent à leurs occupations…

L’homme continuait son chemin  tout en hurlant et gesticulant, se retournant sans cesse ! Il était comique, mais semblait avoir été touché, car il marchait en boitant…

Mon ami dit alors cette phrase qui m’est restée, car pleine d’un bon sens si naturel et qui résumait si bien ce à quoi nous venions d’assister…

« si tu menace du bâton, ne t’étonne pas de le recevoir »  

 

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